Le pont de Chalkis

Dimanche 23 juin,
Après une soirée ouzo mézzés à Nea Attali. On décide de ne pas passer le pont de Chalkis (ou Khalkis) ce soir. On part pour notre plus courte étape depuis mai. Moins d'un mille pour arriver dans un mouillage tranquille (Mégalo Manika) alors que nous sommes à quelques pas de la ville et des villages périphériques. Une langue de terre avec un petit hangar de réparation de barques et deux beaux arbres nous protège des vagues.  Fond de sable et de graviers par 3.5m d'eau, une bonne longueur de chaîne car on peut éviter tranquille, il n'y a que nous. Une plage avec douches où il doit y avoir 10 personnes au plus fort de la journée. Lors de la baignade, on voit des bandes de jeunes poissons bleutės dans le soleil…Et c'est LE gâteau du dimanche à la banane, noix de coco, huile de coco recette de Bouka un peu juste en cuisson mais bien goûtu. Huuuum. Puis sieste, on joue au rumikub, Aline dessine, je joue de l'accordéon

dans le coucher du soleil, on laisse du temps au temps.

Le soir les pêcheurs de tout poil sont là, dans l'eau avec leurs cannes , ou avec l'ėpuisette à  crevettes ?, d’autres ramassent des prairies et des coques. JJ et moi nous baignons après le repas. Il fait nuit, très agréable, le plancton lumineux luit à chacune de nos brasses..  

Lundi matin nous partons pour Chalkis à  2.5 milles de là et son fameux pont, le passage réputé délicat entre continent et Eubée. On se prépare à un accostage avec du courant, de la ferraille qui dépasse du quai, peu de place, etc… une place en long est repérée, le pêcheur à la ligne sympa, relève sa canne et on s'amarre tranquillement, un vrai créneau avec belle synchronisation de l'équipage.  
Le pont est juste devant : Moins de 40m séparent l'ile du continent et le courant de marée bien visible s'engouffre dans cet entonnoir,  on dirait une rivière.

On a lu sur des guides et des sites Internet que le courant peut atteindre 6 nœuds, que passer peut être difficile, etc, etc…. Si c'est le cas avec notre petit 18 CV  on risque de faire de la marche arrière ! Pour passer, le pont s’ouvre uniquement la nuit, en principe à l’étale, à une heure non prévisible entre 22h et 3h et en respectant une procédure et un ordre de passage précis. Depuis l'antiquité les grecs ont essayé de calculer  l’heure favorable, mais pas moyen de trouver la bonne formule. Il semble qu'Aristote se soit suicidé pour ne pas avoir réussi à  élucider ce mystère … Nos voisins bretons habitués des marées trouvent ça étrange et  amusant. Le pont est très éclairé et les gens sur les berges sont au spectacle, la parade quoi. « Pour passer le pont…. etc  », il faut aussi faire des formalités : première étape trouver le bureau des gardes côtes. On en croise un qui nous indique l'adresse et il faut revenir après 18h. On fait les pleins eau et carburant, le camion de gasoil en fout partout, ensuite il asperge l'eau avec un flacon de liquide vaisselle, pauvres poissons.  Donc, après 18h, je me pointe au bureau indiqué pour nous faire enregistrer, dont le but est surtout de vérifier que nos papiers sont en règle surtout ceux des taxes grecques et aussi d'assurance, au cas où on créerait des dégâts au pont ? Puis accessoirement nous donner des consignes très détaillées, surtout que soir un cargo passera avant nous car prioritaire. On aurait dit une institutrice parlant à un gamin, mais j'ai joué le jeu en lui répétant bien ma leçon.  Puis 3e étape j'ai eu ensuite le droit d'aller au bureau du port payer 38€, forfait pour tous les bateaux jusqu'à 50 tonnes ! Vu la taille du passage c'est quasi 1€ le mètre. Ensuite reste plus qu'à attendre l'appel VHF (la radio).

Selon Marie, sachant que hier soir le pont s'est ouvert à 22h15 et que la marée s'est décalée d’une heure, on devrait passer vers 23h15. A 22h30 l'appel des bateaux est lancé à la radio, il faut répondre présent comme à l'école. 40 minutes plus tard le pont s'ouvre en deux, il se rétracte sous la chaussée et on voit le cargo passer. Ensuite c'est à nous, 23h20… bravo Marie pour l'horaire. On a le courant dans le dos et on joue le jeu de la parade, dans les éclairages comme sur une scène,  en faisant bonjour aux promeneurs et au gars qui manœuvre le pont. Puis on se retrouve vite dans le noir, on sort du courant, on croise ceux qui vont monter vers le Nord, puis après quelques minutes on mouille dans un bel endroit protégé mais large et dodo.

Mardi on part dès le lever à 7h. A partir d'aujourd'hui et les jours prochains un bon coup de vent est annoncé et on souhaite malgré tout avancer vers le sud. D'une part pour laisser Aline jeudi dans un port qui lui permettra de rejoindre facilement l'aéroport, d'autre part pour cueillir Laurène à l’aéroport dimanche à 20h. Tout en étant dans un abri correct compte tenu de la météo.  
Une fois passé un goulet étroit sous un pont suspendu,

le vent se lève quasiment arrière, avec seulement le génois on avance bien, deuxième passage étroit et là le vent continue de monter, on file à plus de 6 nœuds avec seulement un bout de génois  et des rafales de 22 nds à 26 nds dans un vent instable. Marie barre et se régale et rétablit lors des nombreuses rafales lorsqu'India part au lof.
Du coup avant 11h nous voici à l'ancre dans le port-anse d'Erétria, on ne fait pas comme tout le monde une dizaine de bateaux sont au Nord Est face aux paillotes de plage, on va plutôt dans le Nord Ouest du port plus tranquille et qui semble plus abrité. On vise un bouquet d'arbres. On s'avance beaucoup, dans 3.5m d'eau. Un joli fond de sable accueille notre ancre. Mais il est un peu traître car en faisant un tour avec le masque je vois de belles vieilles ancres abandonnées et notre chaîne se balade juste à côté. Pas grave, je devrais arriver à plonger jusque là si besoin. Et c'est ce que je vais faire plusieurs fois, quand le vent baissera ou tournera.

India est droit devant le petit bouquet d'arbres sur la rive.

 A midi,  enfin 14h, super salade de pastèque, feta, olives citron…delicious d’après une recette originale trouvée par Aline. Le soir, on sort, en annexe. Aline se renseigne pour un bus qui l’amènera jusqu'à l'aéroport. Une commerçante très sympa qui parle français sans accent lui débrouillera  le truc.  Les grecs sont dehors  il fait bon, les enfants font du vélo sur le quai, l'un d'eux doit repêcher le sien dans le port !!!… Quelques mezzés et calamars plus tard:

On rentre à bord de nuit sur un vrai lac. C'est tellement agréable de glisser sur l'eau la nuit..

Même lac mercredi matin, on profite de ce calme pour aller faire un tour à terre. Erétria, aujourd'hui un gros village de touristes grecs, était une grande cité de la Grèce antique. Les rues sont restées sur le même dessin, tirées au cordeau, en biais par rapport au quai central, actuellement  celui des ferries qui font la navette toutes les demi-heures avec le continent. On commence la balade par Dream-Island, un îlot relié à la terre par un petit pont. Un minuscule port de pêche et un endroit très étrange : dans une belle pinède et un cadre superbe, un village de vacances abandonné, Ambiance. Tout ce qui pouvait être récupéré l'a été : robinets, fenêtres, etc..oou cassé.

On trouve aussi des transats en plastique sur le rivage utilisés par les quelques baigneurs qui viennent dans ce coin tranquille. Beaucoup de tags, certains très beaux.

On trouve de la salicorne, les griffes de sorcière grimpent et envahissent les tamaris. Une petite maison est entretenue, squattée, on voit qu'il y’a encore eau et électricité.  On verra sur Internet, que depuis la dictature descolonels ce site à été plusieurs fois aménagé puis repris et finalement abandonné en 2008 (un hôtel de 50 chambres et 20 pavillons). Projets non aboutis d'un grec émigré aux USA, originaire d'ici et qui venait jouer sur l'île enfant. Pourtant  fait en concertation avec les habitants qui ne voulaient pas d'un paradis pour étrangers. Mais tout est bloqué « plus haut » dans le dédale de la politique et de l'administration.

Plus loin sur la plage petit cours de gym des écoliers. Un bon moyen pour lutter contre la canicule, la classe dans l'eau. Pas sûr qu'en France les instits aient le droit.. 

On continue la balade à l'autre bout du village,

on apercevra le théâtre antique, fermé, juste des archéologues qui travaillent. Ce soir, répé générale d'une tragédie grecque  par des étudiants  Bird d'Aristophane ? On finira par le musée, il en fallait au moins un cette saison, très intéressant et en français (merci aux archéologues suisses qui ont fouillé), tarif à  1€.

De quoi donner des idées aux deux potiers de la famille ?

Poteries et bijoux très fins, une maquette montrant la construction du temple d'Apollon, des fioles en verre intactes, des pierres sur lesquelles sont inscrits les décrets promulgués, au moins ceux là ont duré ! C'est peut être un truc de vieux démocrates ? Retour au bateau, plonger pour dégager la chaîne, repas à l'ombre, le vent se lève avec parfois de fortes rafales. Sieste et bouquins ! Car ici aussi il fait chaud. Mezzés à terre anchois, tzatsiki et spicy cheese.

On revient déguster la caponata à bord… La nuit on ne dort pas très bien chaleur, moustiques et mouches sur le matin…